Alors, qu’est-ce en réalite le combat Stenka? C’est, avant tout, un combat entre deux équipes avec un objectif de s’emparer du «champ de l’adversaire» (son territoire). À ne pas confondre cette compétition traditionnelle avec une bagarre entre deux bandes de fans du football. Le mur n’est pas un objectif en soi, c’est une manière de conduire un combat. L’objectif du mur est de retenir l’adversaire sur sa moitié du terrain en le poussant petit à petit vers les frontières du champ, en s’accaparant de l’espace pour une manœuvre ou une percée. Historiquement, les frontières du champ ont toujours été naturelles, c’est pour cela que les combats se déroulaient souvent en hiver sur la glace des cours d’eau, où les rives constituaient les frontières, l’objectif étant de s’emparer de la rive de l’adversaire. Les deux autres frontières se concrétisaient par deux rangées de brancards allongées à travers le cours d’eau. D’où la nécessité absolue de garder l’intégrité de l’ordre.
Il s’agit là d’une caractéristique typique de toute l’action. Rompre l’intégrité de l’ordre c’est ouvrir la possibilité à une percée, ce qui se traduit fatalement par une défaite. Voilà pourquoi l’union de l’ordre a une telle importance dans le combat corps à corps russe.
Une telle union n’est atteinte qu’au prix de longs entraînements et d’un calcul précis de la place de chacun des combattants, sachant que la percée peut arriver au centre comme sur les côtes, voire à travers un seul participant neutralisé. Constituer un véritable mur du point de vue de la cohésion et du niveau de la préparation n’est pas simple. Dans le combat Stenka il n’était possible d’atteindre un réel objectif technico-tactique qu’avec une grande équipe unie. C’est pour cela qu’on composait les murs entre les habitants d’un même village ou d’une même rue. Un bon mur comprend beaucoup de monde: 50 voire plus de personnes.
Quel était donc l’objectif principal des participants? Pénétrer dans la moitié de terrain de son adversaire et s’en emparer. Pour cela il fallait arriver à sortir à l’extérieur de la frontière et jeter son chapeau ou sa moufle par terre, parfois il suffisait juste d’y poser ses pieds
(selon l’accord réciproque). Ce sont les «nadioja» (fiables, meneurs de combat) qui composaient le mur, recherchaient les combattants, déterminaient la tactique et la stratégie du combat et se mettaient d’accord sur les règles. C’était une fonction de l’entraîneur participant, comme on l’aurait appelé aujourd’hui.
Le nadioja (fiable) était le seul qui pouvait se déplacer facilement tout au long du mur pour apporter son aide là où il était nécessaire. Les règles autorisent l’attaque de deux, trois et plus de personnes contre un seul combattant. Ce n’est pas seulement une personne contre une autre, mais une personne contre un groupe de combattants qui se forme d’une manière imprévue. Cela qui exige, forcément, un autre niveau de technique, de préparation psychologique et physique, que dans n’importe quelle variété de combats singuliers asiatiques ou européens.
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