Les moines guerriers

Malgré les interdictions émises par l’Église comme par le pouvoir laïc, le combat corps à corps s’est fortement enraciné dans le milieu populaire russe.

Les moines ne cautionnaient pas non plus les interdictions de l’Église. Au Moyen Âge les monastères étaient les seuls endroits où se concentraient les connaissances. Il s’agissait des endroits où la personne ne recevait pas simplement tout ce dont elle avait besoin, mais où elle pouvait étudier les sciences. Les inventaires des bibliothèques des 15-17ème siècles montrent que la plupart des livres que contenaient ces lieux n’étaient pas des livres religieux, mais des chronographes, des récits de voyage, des livres philosophiques, et surtout (ce qui nous intéresse le plus) des livres militaires.

Pour un esprit non averti il est difficile de faire un lien entre d’humbles serviteurs de Dieu et les arts martiaux. Or, le christianisme qui enseigne au premier chef l’humilité, ne condamne pas le courage militaire face à l’ennemi. Il existe des exemples connus de la participation des moines orthodoxes aux diverses batailles. Ainsi, en 1380 les moines Alexandre Peresvet et Rodion Osliabia, de l’entourage du saint russe Sergiy Radonejskiy, ont pris part à la bataille du champ Koulikovo contre les envahisseurs tataro-mongols. Ils y étaient envoyés en tant que guerriers de haut niveau. Certains monastères en Russie jouaient un véritable rôle de forteresses avec la confrérie des moines qui défendaient corps et âme leur couvent.

Le monastère Troitse-Serguiev a été construit au milieu du 14ème siecle à 70 km au nord-est de Moscou. Par sa conception il était destiné à la défense de Moscou. Plus tard ses murs en bois ont été remplacés par des murs de pierre, puis renforcés et équipés de 12 tours extrêmement solides. Tout cela a fait du monastère une véritable forteresse. La hauteur de ces murs était de 14 m, tandis que leur épaisseur atteignait 6 m.

Ses moines, souvent armés, ont toujours assuré la défense de leur monastère jusqu’au 17ème siècle (l’époque où le monastère a arrêté de faire partie de l’infrastructure militaire). Les annales du monastère en présentent les preuves.

Bien que l’Église officielle ait toujours condamné les combats corps à corps populaires (en les qualifiant de vestiges des rites païens) les ecclésiastiques ordinaires qu’on appelait également «l’armée noire», y ont toujours pris part: «Et des popes et des diacres de se rassembler près du pont Frolovskiy, certains même jouent et se battent, se frottent les poings». C’est une missive qui est devenue aujourd’hui un document historique, reçu par le patriarche russe Iov au début du 17ème siècle. Ce qui prouve que même en temps de paix les moines continuaient à se perfectionner en arts martiaux à travers les «combats du Stenka».

Mais un autre monastère mérite de porter le nom de forteresse – Solovetskiy. Il a été fondé au début du 15ème siècle, tandis que ses murs fortifiés ont été rajoutés au 16ème siècle. Leur hauteur oscille entre 8 et 11 m, l’épaisseur atteint 4-6 m. Ce monastère s’est distingué au 17ème siècle quand ses moines (qui n’ont pas accepté les reformes de l’Église du patriarche Nikon et ont décidé de préserver l’ancienne religion et leurs livres) ont résisté à l’assaut de l’armée de l’État qui disposait de canons et de fusils, quasiment sans armes et huit ans durant!!! Cet exemple n’a pas de précédent, d’autant plus que le monastère Solovetskiy ne se serait sans doute jamais rendu si une trahison n’avait eu lieu.

Après s’être séparé des rituels païens les Russes ont intégré les valeurs spirituelles byzantines sans déployer la rationalité excessive des grecoromains, ce qui a fini par rendre l’art martial russe inséparable de la culture populaire.


UN DÉTAIL DES ANNALES RUSSES DU 15ÈME SIÈCLE. LE COMBAT ENTRE LE MOINE ALEXANDRE PERESVET ET UN GUERRIER MONGOL.


ENTRAÎNEMENT D’UN MOINE GUERRIER CONTEMPORAIN.


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