Les combats contre l’ours

Dans ce chapitre je voudrais vous présenter un des types d’entraînement au combat corps à corps qui est aujourd’hui peu connu, même en Russie. Il s’agit du combat contre l’ours. Soulignons toutefois que les adversaires des ours n’étaient pas des esclaves, comme c’était le cas dans l’Empire romain. Seulement les combattants qui se considéraient prêts à un tel combat, participaient aux combats contre l’ours. La décision de prendre part à un tel combat n’appartenait qu’à la personne même. Dans la Russie moyenâgeuse la victoire au combat contre l’ours représentait un indicateur du niveau de maîtrise du combattant.

Ce type d’entraînement au combat corps à corps est, sans aucun doute, le plus dangereux et correspond à un très haut niveau. Le combattant se trouvait face à un animal de deux mètres de hauteur, dont le poids, dans certains cas, était supérieur à 300 kg. Pour toutes armes le combattant ne possédait qu’une lance et un couteau.

Il est facile d’imaginer quelle force et habilité sont nécessaires pour se battre contre un ours qui d’un seul coup de patte est capable d’assommer, d’étrangler, de déchiqueter ou simplement de décapiter.

Le combat contre l’ours représentait un spectacle des plus ordinaires à la cour des tsars. On l’appelait «l’amusement du palais». Les combats contre l’ours n’étaient pas organisés uniquement pour le tsar, mais également pour tout son entourage, y compris les femmes et les enfants. Nous proposons ici la description du combat contre l’ours faite par l’ambassadeur anglais D.Fletcher en 1634:

«Après le déjeuner le tsar se repose une ou deux heures dans son lit. Il peut néanmoins passer l’une des deux heures aux bains ou en regardant un combat corps à corps. […] Le combat entre le piqueur Guerasim Stepanov et un ours. […] Le combat contre l’ours se déroule de la manière suivante: le combattant se trouve sur un terrain en forme de cercle entouré d’un mur. Le combattant se bat contre l’ours comme il peut, car il ne peut pas s’enfuir. L’ours, une fois lâché, se dirige vers son adversaire, gueule ouverte. Si, au début, l’homme laisse l’animal s’approcher, il se met face à un danger énorme. Un animal sauvage est furieux et c’est cela même qui permet de l’emporter contre lui. En attaquant l’ours se met sur ses pattes arrières et s’approche de l’homme en rugissant, gueule ouverte. Si à ce moment-là l’homme arrive à lui enfoncer la lance dans la poitrine entre deux pattes avant, ce qui est d’habitude le cas, et de baisser son autre extrêmité par terre de sorte que la lance se dirige vers le museau de l’animal, il réussit à le tuer. Mais il arrive assez souvent que l’homme échoue, par conséquent l’animal le tue ou le déchiquette avec ses dents et ses griffes.»

Nous disposons d’un bon nombre de documents de cette époque qui démontrent que l’exploit que représente le combat contre l’ours n’était pas perçu comme inouï ou rare. En effet, les combats contre l’ours étaient en Russie du Moyen Âge un phénomène plutôt ordinaire, bien que les combattants qui participaient aux combats publics contre les ours sauvages appartiennent à la cour du tsar et au ministère de la «chasse du tsar». Autrement dit, ils faisaient partie de la noblesse.

Ce qui est extrêmement important, c’est que, malgré le danger que représentait ce type de combat, on ne coupait pas les griffes aux animaux et on ne leur cassait pas les dents, comme cela se passait d’habitude dans les foires et autres lieux de spectacle. La capacité de faire face à un animal sauvage était d’une grande valeur. Il s’agissait en effet d’un animal, affamé et irrité, qui venait d’être capturé dans une forêt. Il est utile de répéter que pour seules armes l’homme n’avait qu’une lance et ses mains. En général, les combats contre les ours avaient lieu à la cour arrière du Kremlin ou un endroit spécial avait été aménagé. Par ailleurs, de temps à autre, ces combats se déroulaient dans les résidences de campagne: Pokrovskiy Roubtsov, Horochev, Tanninskiy, tandis que pour Mardi gras cet amusement du tsar était organisé au bord du fleuve Moskova en guise de spectacle populaire. Au début du 18ème siècle, sous le règne de Pierre le Grand, «l’amusement» a été reconnu comme une «barbarie» et a été totalement interdit.

Les rencontres contre les ours ont joué un rôle déterminant dans l’évolution du style du combat corps à corps russe. En effet, le combat est loin d’être seulement une technique, c’est aussi et surtout la volonté infaillible, la fermeté, la rage acharnée et une viabilité étonnante. Ce sont là les qualités propres à un animal sauvage enragé, mais aussi à un véritable combattant de l’école du combat russe. Aujourd’hui le meilleur représentant d’un tel type d’homme est Fedor Emelianenko, champion du monde de UFC et Pride.


«COMBAT CONTRE L’OURS» DE V.VASNETSOV.




UNE PEINTURE DE N.SAMOKISH REPRÉSENTANT UN COMBAT CONTRE L’OURS À LA COUR DU TSAR (19ÈME SIÈCLE).

LES COMBATS CONTRE L’OURS SONT LES PLUS DANGEREUX DE TOUS LES COMBATS CONTRE ANIMAUX. IL EST INUTILE DE LES COMPARER MÊME AUX CORRIDAS.


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